Un idéal, une mentalité, une intelligence : hommage à Nelson Mandela !

Mandela 2Les hommages n’arrêtent pas d’affluer de partout dans le monde, depuis l’annonce du décès de Nelson Mandela. Malgré leur profondeur, les mots et expressions qu’ils contiennent seront insuffisants pour qualifier le génie, la brillance, la sagesse, la force et le cœur de cet homme, probablement le dernier leader de son espèce ayant marqué le 20 e siècle.

Le leadership de celui qui « prend place dans la conscience universelle[i] » s’inscrit dans une approche cumulative des théories sur le caractère, la conduite et les circonstances qui ont fusionné pour produire cette lumière qui continuera de briller à travers son héritage et les millions d’hommes et de femmes qu’il a inspirés.

Nul ne peut réussir à être Mandela. Cependant, nous pouvons nous laisser inspirer par celui-ci, afin de mettre notre potentiel au service de notre communauté, notre nation et de l’humanité entière.

De sa vie et sa pensée, je retiens que ceux qui aspirent à marquer leur génération devront manager leur vie à travers les trois fondamentaux suivant :

  • S’identifier à une cause qui transcende leur propre personne ;
  • Fixer leur mentalité sur des valeurs et principes inébranlables et y conformer leur vie ;
  • Faire preuve d’une intelligence qui transforme leurs actifs en une force motrice irréversible.

>Un idéal

Dans un discours à Detroit en juin 1963, Martin Luther King déclarait « Tant qu’un homme n’a pas découvert quelque chose pour lequel il serait prêt à mourir, il n’est pas à même de vivre ».

Etre prêt à mourir pour une cause, un idéal, constitue selon moi le point de départ d’un leadership qui se veut libérateur, créateur et innovant au service des autres. Il ne s’agit nullement de se mettre à mort par sottise. Au contraire, il est question de se préparer à payer le prix qu’il faut pour voir sa vision, son but, le rêve que l’on caresse se réaliser.

Partout dans le monde, tant dans les villages que dans les villes, tant dans les pays développés que dans ceux économiquement arriérés, chaque personne est interpellée par une réalité, un fait inacceptable selon lui. Le challenge réside dans la capacité à identifier dans cette interpellation une vision et à y consacrer l’énergie, l’intelligence et les ressources nécessaires pour changer la donne.

Personne n’est « adoré » dans sa communauté par respect pour son orgueil et sa propension à chercher uniquement à se tirer d’affaires au détriment de ses semblables ! Ceux qui sont chantés dans le monde consacrent leur vie pour des causes qui les dépassent, des situations qui sont impossibles à renverser jusqu’à ce qu’ils ne relèvent le défi. Si Mandela avait troqué sa lutte contre une résidence dorée à sa sortie de prison, personne ne parlerait probablement de lui aujourd’hui.

Chaque homme est fait pour remplir une mission, répondre à un besoin, être l’instigateur et l’acteur d’un changement au profit de ses semblables. C’est en identifiant et agissant pour la cause pour laquelle vous êtes prêt à mourir que votre influence sera manifeste. Car à partir du moment où vous êtes prêts à « échanger » votre vie pour la réalisation de cette cause, vous ne reculez devant aucun sacrifice pour y arriver. Et c’est ce qui déterminera vos accomplissements ainsi que l’influence et l’héritage que vous laisserez.

Mandela s’est levé pour l’égalité des hommes, pour la justice, contre le racisme et l’avilissement de l’homme par l’homme. A son procès qui l’expédie en prison le 20 avril 1964, il fit la déclaration suivante : « Toute ma vie je me suis consacré à la lutte pour le peuple africain. J’ai combattu contre la domination blanche et j’ai combattu contre la domination noire. J’ai chéri l’idéal d’une société libre et démocratique dans laquelle toutes les personnes vivraient ensemble en harmonie et avec les mêmes opportunités. C’est un idéal pour lequel j’espère vivre et agir. Mais, si besoin est, c’est un idéal pour lequel je suis prêt à mourir ».

En déclarant être prêt à faire le sacrifice ultime pour son idéal, la prison-guillotine qui était préparée pour l’achever s’est transformée en un temple de savoir et de renaissance, duquel sont sortis un homme, un cœur et une intelligence nouveaux qui sont loués aujourd’hui dans le monde entier.

>Une mentalité

Comment peut-on expliquer que 27 ans d’enfermement n’aient pas réussi à briser un homme ! La raison majeure réside dans la mentalité de cet homme qui croyait son combat juste et s’était forgé une mental d’acier.

C’est ainsi que la cellule du matricule 466-64 est devenue une « université » où il a accumulé sagesse et connaissances, et esquissé des stratégies qui ont fait leurs preuves.

Plusieurs convictions traduisent la mentalité de Mandela :

  • Tout homme a un but dont la manifestation devra inspirer d’autres à accomplir aussi leur mission terrestre. Il déclare : « Nous sommes nés pour rendre manifeste la gloire de Dieu qui est au-dedans de nous. Elle est en chacun de nous, et en laissant briller notre propre lumière, nous donnons incidemment aux autres la permission d’en faire autant »;
  • Sa philosophie pour éradiquer le mal, n’est pas de combattre ou d’éradiquer l’auteur du mal, mais de combattre le mal à la racine. En effet, c’est la dégénérescence de l’être humain qui est à l’origine de sa méchanceté duquel affleurent les fléaux tels le racisme, l’exclusion sociale, la violence, la tyrannie… La solution n’est autre que de gagner le cœur de l’autre, de lui administrer la potion qui le changera de l’intérieur. « Je savais parfaitement que l’oppresseur doit être libéré tout comme l’opprimé » disait Mandela. Et d’ajouter : « Pour faire la paix avec un ennemi, on doit travailler avec cet ennemi, et il devient votre associé ».
  • L’homme a la capacité de changer, de devenir meilleur. Il affirme « Personne ne nait en haïssant une autre personne à cause de la couleur de sa peau, de son passé ou de sa religion. Les gens doivent apprendre à haïr, et s’ils peuvent apprendre à haïr, on peut leur enseigner aussi à aimer, car l’amour nait plus naturellement dans le cœur de l’homme que son contraire. »
  • Le succès n’est pas ce qui est primordial. Ce qui fait un homme, c’est sa capacité à triompher de lui-même pour être à la hauteur de son idéal. Il pouvait dire « Ne me jugez pas sur mes succès, jugez-moi sur le nombre de fois où je suis tombé et où je me suis relevé à nouveau ».
  • On peut être en prison, bien que libre. Il affirme : « Un homme qui prive un autre homme de sa liberté est prisonnier de sa haine, il est enfermé derrière les barreaux de ses préjugés et de l’étroitesse d’esprit…Quand j’ai franchi les portes de la prison, telle était ma mission : libérer à la fois l’opprimé et l’oppresseur », mais aussi : « être libre ce n’est pas seulement se débarrasser de ses chaines, c’est vivre d’une façon qui renforce et respecte la liberté des autres ».
  • La peur ne devrait pas signer la fin d’une mission impossible ou délicate. « J’ai appris que le courage n’est pas l’absence de peur, mais la capacité de la vaincre. » affirme-t-il, montrant que les leaders authentiques savent transcender les faiblesses personnelles que traduisent la peur, le complexe d’infériorité, la recherche du prestige…

C’est à juste titre que Jerry John Rawlings, ex-président du Ghana qualifie Mandela d’un « homme d’une grande élégance spirituelle ».

Mandela a su conformer sa vie à des principes, convictions et valeurs humaines élevées, sans user de duplicité, démontrant ainsi l’importance du caractère dans le leadership.

Ceux qui rêvent d’être les Mandela de leur temps devront forger leur mentalité et incruster leur vie et action dans les principes et valeurs durables et infaillibles à l’échelle des âges. Ils  devront oser être différents, parfois être des « extrémistes » de l’amour, de la bienveillance, de la lutte pacifique et de l’esprit de sacrifice et de service.

>Une intelligence

Comment ces caractéristiques de cet homme ont pu dénouer la situation de son époque de sorte à le propulser dans la conscience de l’humanité ? Il a su faire preuve d’intelligence pour déployer une stratégie, même récusée dans son propre camp, qui s’est révélée être une voie déterminante pour atteindre le rêve de tout un peuple.

La trajectoire de Mandela traduit une capacité de communication, un sens du tact, une force de conviction et surtout un extraordinaire sens du service qui caractérisent les leaders authentiques. Il a su organiser proactivement  tous ses actifs – le contexte, ses hommes, les réseaux, son caractère- pour offrir aux peuples sud-africains une nation qui a émergé dans leurs rêves.

Faire de son rêve, de son idéal une réalité nécessite une intelligence qui transforme les actifs personnels et providentiels en une force qui produit le changement désiré. Il ne s’agit pas de tracer une trajectoire inflexible au départ, mais de mettre en place une stratégie cohérente qui s’adapte proactivement au contexte à mesure qu’il évolue. Car les défis changent avec le temps, surtout dans notre monde en constante mutation.

Dans l’hommage du think tank Afrocentricity à Mandela, signé du Dr Yves Ekoué Amaïzo et François Fabregat, on peut lire « Nelson Mandela aura mené tous ses combats de manière originale usant et abusant d’armes pourtant simples en plaçant en permanence la persuasion et la force de conviction, au centre de son action publique. »[ii]

La vie de Mandela atteste qu’en nous engageant résolument envers une cause, en faisant preuve d’intelligence et en forgeant notre action dans des convictions inébranlables, nous pouvons créer l’alchimie qui transforme les déserts du racisme, de la pauvreté, du manque d’eau potable, de la tyrannie et de l’asservissement de l’homme par l’homme… en des ruisseaux et des prés verdoyants qui  font le bonheur de l’humanité.

Le meilleur hommage de la jeunesse du monde à Mandela, ne devrait pas uniquement consister en mon sens, en des déclarations pleines de profondeurs et remplies d’émotions. Notre hommage devrait consister en deux actes principaux :

  • Premièrement : décider aujourd’hui (si ce n’est déjà le cas) d’identifier la cause qui nous interpelle dans note entreprise, dans notre communauté, dans notre pays, dans le monde et faire de la lutte pour cette cause, la raison de notre vie ;
  • Deuxièmement : prendre un engagement à investir inébranlablement les ressources nécessaires pour contribuer, du mieux que nous pouvons, à sa réalisation, peu importe les sacrifices que cela requiert de notre part.

RIP Mandela !

Séna BABA


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